FAITS

Ils sont bien connus des banquiers. Un client souhaitant se désengager d’engagements d’achat de lots de copropriété invoque la non obtention du crédit sollicité.

Le vendeur ne l’entend pas ainsi et assigne l’acquéreur au paiement de la clause pénale contractuellement convenue entre les parties.

La cour d’appel de Grenoble le 6 octobre 2020 fait droit à cette demande et l’acquéreur se pourvoit en cassation aux motifs :

  • Qu’il entendait bénéficier du délai prévu à l’article L 271-1 du code de construction et de l’habitation.
  • Qu’il entendait également bénéficier de l’article L 312-16 du code de la consommation.

POSITION DE LA COUR DE CASSATION

Sur le premier moyen

«La cour d'appel, ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que l'acquéreur avait mentionné dans l'avant-contrat sa profession de promoteur, qu'il s'était substitué à la vente une société, dont il était le gérant et dont l'activité était celle d'un marchand de biens, et qu'il recherchait des bureaux pour y installer son entreprise.
Ayant ainsi relevé des éléments reliant la transaction à l'activité professionnelle de l'acquéreur, à la date de la promesse de vente, elle en a déduit, à bon droit, que celui-ci ne pouvait pas bénéficier des dispositions de l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation et a légalement justifié sa décision.»

Sur le second moyen

«La cour d'appel a relevé, abstraction faite de motifs surabondants, que le caractère tardif de l'unique demande de prêt, présentée seize jours seulement avant l'expiration du délai contractuel de réalisation de la condition suspensive, avait privé l'acquéreur de la possibilité de présenter, dans le délai contractuel, une nouvelle demande avec de meilleures garanties ou auprès d'un autre établissement bancaire en son nom ou celui de la personne morale qu'il s'était substituée.
Elle a pu en déduire que la non-obtention du prêt était la conséquence de la passivité et de la négligence de l'acquéreur.»

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

Fréquemment les clients souhaitent se désengager d’obligation d’acquisition qu’ils regrettent et la tentation est grande, puisque ces engagements sont toujours conclus sous la condition suspensive d’obtention d’un prêt, de prétendre qu’ils n’ont pas obtenu ledit prêt.

Pour cette raison les banques veillent à ne pas entrer dans le jeu des attestations de complaisance.

Dans notre affaire sur le premier point la cour régulatrice adopte les motifs de la cour d’appel selon lesquels l’acquéreur était à l’évidence un professionnel et ne pouvait donc bénéficier de la protection que lui offre l’article L 271-1 du CCH. Sur cette question voir avec profit  Cassation civile 3. 17 novembre 2010 – 09-17297 ; CA Nîmes 27 Novembre 2014  RG 13/01965 ;

Sur le second point nous savons que la jurisprudence est relativement abondante et stable sur la question de l’accord de la banque. Pour un accord de principe voir Cassation civile1 14 Janvier 2010 -10-26149 – Cassation commerciale 10 janvier 2012 – 10-26149 – L’offre doit être ferme : Cassation civile 3. 7 novembre 2007 – 08-17413 – Il appartient à l’acquéreur de prouver qu’il a respecté ses obligations contractuelles : Cassation civile 30 Janvier 2008 – 06-21117 -

Dans notre espèce la cour d’appel avait jugé qu’une offre de prêt déposée seize jours avant l’expiration du délai contractuel de réalisation de la condition suspensive « .. avait privé l'acquéreur de la possibilité de présenter, dans le délai contractuel, une nouvelle demande avec de meilleures garanties ou auprès d'un autre établissement bancaire en son nom ou celui de la personne morale qu'il s'était substituée.
Elle a pu en déduire que la non-obtention du prêt était la conséquence de la passivité et de la négligence de l'acquéreur.»

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics.

Sources : Cassation Troisième Chambre Civile, 16 février 2022, pourvoi n°20-23237. L'essentiel du droit bancaire, n°4, avril 2022, page 4.