FAITS

Une société est titulaire d’un compte courant chez la banque CIC Est. Elle émet plusieurs chèques antérieurement à sa mise en redressement judiciaire le 27 Avril 2016. La banque débite lesdits chèques puis procède le 27 Avril à la contrepassation au crédit du montant des chèques en les rejetant faute de provision suffisante après en avoir informé sa cliente le 23 Avril précédent.

Le plan de redressement de la société est adopté par le tribunal et la société et le commissaire à l’exécution du plan assignent la banque en annulation des incidents de rejet et demandent sa condamnation à régulariser sous astreinte la situation du compte bancaire tel qu’il se présentait avant l’ouverture du redressement judiciaire.

La cour d’appel de Metz le 9 juillet 2020 déboute les demandeurs qui se pourvoient en cassation.

Leur argument principal consiste à prétendre que l’avance de fonds faite par la banque aux bénéficiaires constitue une créance antérieure au jugement interdisant à la banque de procéder à la contrepassation.

POSITION DE LA COUR DE CASSATION

«Après avoir rappelé que l'article L. 131-73 du code monétaire et financier impose à la banque tirée, préalablement au rejet d'un chèque pour défaut de provision suffisante, d'informer le titulaire du compte, par tout moyen approprié, des conséquences du défaut de provision, l'arrêt constate, par motifs propres et adoptés, que l'historique du compte de la société Jeantech montre que, lorsque les chèques litigieux ont été inscrits au débit du compte, entre le 18 et le 26 avril 2016, celui-ci présentait un solde débiteur depuis le 12 avril précédent et que, concomitamment à ces inscriptions au débit du compte, la banque a alerté sa cliente qu'à défaut de constitution d'une provision suffisante dans les 48 heures, elle se trouverait dans l'obligation de rejeter les chèques, avec déclaration auprès de la Banque de France. Il retient qu'en l'absence de découvert autorisé, elle était fondée à rejeter les chèques litigieux pour défaut de provision, tout en procédant, pour ce motif, à la contre-passation de leurs montants au crédit du compte le 27 avril 2016. De ces constatations et appréciations, faisant ressortir qu'au moment de l'ouverture de la procédure collective, la banque, qui avait informé sa cliente de son intention de rejeter les chèques si la provision  n'était pas constituée, n'avait pas pris la décision de les payer et ne lui avait donc pas consenti d'avance, la cour d'appel a exactement déduit que l'inscription provisoire des chèques au débit du compte, sous réserve d'une provision suffisante, ne constituait pas une facilité de caisse, de sorte que la banque n'avait recouvré aucune créance en procédant à la contre-passation de ces écritures.»

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

Le commentateur de la revue fait sienne la décision mais regrette que la cour régulatrice ne se soit pas exprimée plus clairement sur la qualification des opérations de débit en provenance des chèques impayés.

La cour de cassation relève fort justement que la lettre «MURCEF» a été adressée au client – sur ce point voir Cassation commerciale 31 Mai 2005 – 03-15659 – Cassation commerciale 14 Mars 2006 – 04-16946 – sur son omission voir aussi CA Aix en Provence 8 février 2018  RG 16/14954 – Cassation commerciale 28 Mars 2018 – 16-24114 – Sur la preuve de l’envoi de ladite lettre voir CA Grenoble 17 Septembre 2020  RG 19/00649 -.

Il ne pouvait donc s’agir d’une autorisation de découvert préexistante.

Mais alors comment qualifier ce débit ? Factuellement bien sur par le caractère automatique du traitement des opérations. Mais dans ce cas le banquier fait il une avance de fonds ? Est ce une avance sur encaissement ?

Nous sommes dans un domaine ou s’entremêlent les règles de la comptabilité et du droit. Celles de la comptabilité exigent que toute opération soit « tracée » dans un compte.

L’inscription, même automatique au débit d’un chèque qui est présenté au paiement doit donc se traduire comptablement. Pour autant nous ne pensons pas qu’il faille traduire juridiquement cette opération dont la cause se situe très en amont et procède d’une volonté d’automatiser ce type d’opération.

Par voie de conséquence la contrepassation doit être analysée avec le même regard et le même automatisme.

Le débit, automatique, ne reflète aucunement la volonté de la banque de payer ce chèque et la cour de cassation le mentionne quand elle écrit : « De ces constatations et appréciations, faisant ressortir qu'au moment de l'ouverture de la procédure collective, la banque, qui avait informé sa cliente de son intention de rejeter les chèques si la provision n'était pas constituée, n'avait pas pris la décision de les payer et ne lui avait donc pas consenti d'avance, la cour d'appel a exactement déduit que l'inscription provisoire des chèques au débit du compte, sous réserve d'une provision suffisante, ne constituait pas une facilité de caisse, de sorte que la banque n'avait recouvré aucune créance en procédant à la contre-passation de ces écritures.»

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics.

Sources : Cassation, Chambre Commerciale, 2 mars 2022, pourvoi n°20-20181. L'essentiel du droit bancaire, n°4, avril 2022, page 3.