La cour d'appel de Paris nous rappelle à ce propos la quintessence du délai de préavis : donner à la victime le temps nécessaire pour qu'elle puisse retrouver une activité équivalente.

FAITS

Une société A fait l’acquisition du fonds de commerce d’uns société B dans laquelle figure un client important. La société A effectue des prestations pour la société B chez ce client sur deux sites distincts.

Estimant que ces prestations n’étaient pas satisfaisantes la société B résilie le contrat sur le premier site puis après celui sur le second.

En même temps que la société A réclame le paiement de factures elle invoque la brutalité de la rupture  de la relation commerciale et assigne la société B devant le tribunal de commerce de Paris qui le 14 novembre 2016 juge la relation commerciale établie, la fixe à 14 années et 6 mois et dit que la société B ne s’est pas rendue coupable de rupture brutale au sens de l’article L. 442-6,I,5° du code de commerce.

La société A interjette appel en sollicitant la condamnation de la société B à une somme de 95146 € correspondant à un préavis d’une année de chiffre d’affaires soit 12 mois de préavis.

POSITION DE LA COUR D’APPEL

Sur la durée de la relation

« ... en acquérant ce fonds et en poursuivant l‘activité avec la société BERIM, à laquelle elle a régulièrement facturé des prestations de nettoyage qui représentent une part importante de son chiffre d’affaires, la société JM PROPRETE a repris la relation commerciale stable et durable nouée entre la société ECOM et la société BERIM. L’existence d’une relation commerciale établie entre les parties nouée depuis avril 1999 est donc caractérisée… »

Sur le caractère brutal de la rupture

«  … au vu de ces éléments et compte tenue de la nature du secteur d’activité concerné, le délai de préavis de trois mois et demi respecté, supérieur à celui de trois mois pratiqué par les sociétés ECOM et TOURNET sans que la société JM PROPRETE ne justifie d’un usage distinct en la matière, était suffisant pour permettre à la société JM PROPRETE de se réorganiser, peu important qu’elle ait, ou non, effectivement retrouvé dans ce délai une activité lui procurant le même chiffre d’affaires… »

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

Le pourvoi contre cet arrêt effectué par la société JM PROPRETE a été rejeté par un arrêt en date du 7 juillet 2021 – B 19-23.077 – sans motivation spéciale.

Les enseignements de cet arrêt de la cour d’appel de Paris sont doubles :

- D’une part une société qui reprend le fonds de commerce d‘une autre société reprend en principe les contrats qui y sont attachés avec leur durée acquise ;

- Faute d’une justification spécifique d’un usage distinct de nature contractuelle ou professionnelle, le délai de trois mois et demi pour une relation de plus de 14 ans était suffisant pour permettre à cette société de retrouver un chiffre d’affaires de remplacement la cour ajoutant même qu’il importait peu qu’elle ait retrouvé ce chiffre d’affaires ou non. La cour jugera d’ailleurs de la même façon en ce qui concerne la rupture de la relation sur le premier site. Pour justifier ce délai de préavis assez court elle se réfère aux nombreux débouchés spécifiques au secteur d’activité  et à l’insuffisance des preuves du chiffre d’affaires avec les sites en question.

Ces critères retenus par la cour d’appel de Paris sont également ceux retenus par Case Law Analytics dans sa modélisation du contentieux de la rupture brutale des relations commerciales établies.

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Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics

Source : CA Paris pôle 5 chambre 5, 6 juin 2019 RG 17/0041